Dah Agbalènon Adanmaïkpohoué, prêtre vodoun toxwiyo (Crédit Photo : Gérard Akotègnon) |
« Le décès n’est même pas annoncé au public avant l’enterrement. C’est les parents proches qui sont informés surtout quand il s’agit d’un chef traditionnel »
Il s'est donné au vodou toxwiyo autant qu’il a vécu. Cyriaque Adingni, la soixantaine, prêtre béninois du culte vodou connu sous le nom fort de ‘’Dah Agbalènon Adanmaïkpohoué’’, fut un défenseur-modèle des religions endogènes en Afrique.
Avant l’annonce officielle de son décès le mardi 21 mars dernier, il était à la fois, secrétaire général du Cadre de Concertation des Religions Endogènes au Bénin, guide fondateur de la Mission Endogène pour la Lumière Spirituelle Universelle et président du Grand Conservatoire Vodou. C’est à ce titre que ce retraité des Douanes Béninoises et ancien directeur général de l’Agence pour la Réhabilitation de la Cité Historique d’Abomey (ARCHA) nous a accordé le 17 août 2017, dans son palais à Adingnigon (commune d’Agbangnizoun), une interview sur la gestion du cadavre en milieu vodou au Bénin.
Quelle est la position du culte vodou sur la conservation des cadavres ?
Dans notre tradition, quand il y a un décès, le défunt… le corps du défunt ne doit pas être conservé pour longtemps. Et vous savez que dans notre tradition et quand un chef traditionnel meurt, on l’enterre aussitôt dans les heures qui suivent. Mais aujourd’hui, avec la modernisation, nous avons connu d’abord les morgues modernes, des pratiques traditionnelles sont aussi intervenues et ça fait partie d’une autre manière, d’autres procédés de conservation du cadavre. Là, c’est en inadéquation avec nos coutumes. C’est en inadéquation avec le vodou. Nous sommes d’avis avec les musulmans et on fait comme eux ; même plus pressé que chez eux. Le décès n’est même pas annoncé au public avant l’enterrement. C’est les parents proches qui sont informés surtout quand il s’agit d’un chef traditionnel.Savez-vous qu’il y a des risques d’infection par des cadavres ?
Il y a parfois des gens qui meurent d’épidémies, certains qui meurent de maladies contagieuses… ces corps, on doit les manipuler avec beaucoup de précaution. Ceux qui sont commis à cette tâche dans notre tradition sont dotés de certains moyens, de certains secrets afin qu’ils les protègent contre les épidémies même contre les odeurs. Mais le risque quand même est là ; le risque d’infection est là. Pour ne pas enterrer un agonisant, il y a tous ces moyens qui sont connus par nos parents et qui, aujourd’hui, sont connus. Ces moyens ont été transmis de père en fils.Qui est autorisé à manipuler le cadavre dans votre religion ?
Ceux qui conservent le cadavre ne sont pas les adeptes du vodou. La classe traditionnelle est composée de plusieurs secteurs et ceux-là précisément à Abomey qui s’occupent de la manipulation, de l’enterrement… des pratiques autour d’un corps, on les appelle ‘’les donkpègans’’. Et ceux-là ne sont même pas des adeptes du vodou. Certains sont initiés d’autres ne le sont pas.Quels sont vos interdits lorsque vous êtes en deuil ?
Aujourd’hui, puisque que les honoraires sont très faibles, ils parviennent à conserver les corps pendant 3 mois alors que dans notre tradition, moi en tant que chef du culte vodou Toxwyio, quand quelqu’un meurt dans notre famille, dans notre collectivité, dans notre clan, c’est que moi je ne dois plus consommer de la viande, je ne dois plus me coucher à côté d’une femme, je ne dois plus fermer ma porte jusqu’à l’enterrement. Ce sont autant de raisons pour que l’enterrement soit aussitôt fait. Et quand vous allez garder un cadavre pendant des jours voire des mois…eh bien ! Tout ce qui se trouve dans cette maison est frappé d’impureté. Les fidèles du vodou ne peuvent plus manger dans cette maison. C’est proscrit, et nous ne l’acceptons pas.Que vaut la dernière volonté d’un adepte du culte vodou qui décède ?
Si un parent ou si quelqu’un dit ‘’Ne m’emmenez pas à la morgue’’, si nous avons l’information est vérifiée, le corps ne va pas à la morgue. Nous sommes très rigoureux là-dessus. Mais aujourd’hui, on vous parlera de la démocratie, on vous parlera du pouvoir des enfants, et là, c’est la justice qui intervient sinon, nous respectons scrupuleusement la mémoire du défunt ; ce qu’il a dit avant sa mort même si ce n’est pas écrit.Propos recueillis par Robert Adé